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Le Fil Agricole n°24

10 décembre 2020

N°24 – Semaine du 30 novembre 2020

VGE : LE MONDE AGRICOLE SALUE UN VISIONNAIRE
L’ancien président de la République vient de nous quitter et la FNSEA tient à lui rendre hommage avec respect et reconnaissance. Visionnaire, Européen convaincu, Valéry Giscard d’Estaing aura porté une conception moderne et progressiste de l’agriculture française, dont la contemporanéité résonne particulièrement de nos jours. Confrontée à la gestion de deux crises pétrolières, la France a découvert avec lui l’intérêt de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour contribuer positivement à la balance commerciale. Renouveau de la souveraineté alimentaire, exigence d’une Europe agricole et alimentaire forte, protectrice et soudée, révolution du « pétrole vert », nécessaire organisation économique des producteurs, … sont autant d’orientations politiques qui marquent, comme un héritage, le débat public et agricole présent. Valéry Giscard d’Estaing, fut enfin le Président des agricultrices, en étant le premier à assurer aux femmes une véritable égalité sociale et professionnelle par la création, en 1980, du statut pionnier de « co-exploitante ». A celui qui voyait dans « l’agriculture une grande chance pour la France » et « le lien politique entre les pays européens » à condition « qu’elle soit aussi une chance pour les agriculteurs français », la FNSEA tient à adresser à sa famille et à ses proches toute la gratitude et la profonde reconnaissance du monde agricole.

ACTUALITÉS AGRICOLES

UN « PLAN PROTÉINES » POUR RECONQUÉRIR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE
Indispensable à notre équilibre alimentaire, notre pays importe cependant plus de la moitié de ses protéines. C’est pourquoi, après une longue concertation avec l’ensemble des acteurs des différentes filières, le ministre de l’Agriculture a présenté le 1er décembre dernier un « plan protéines végétales » doté de 100 M€ du plan de relance sur deux ans, auxquels s’ajoutent les investissements du Programme d’investissement d’avenir et de Bpifrance. L’objectif de doubler les surfaces en protéines végétales d’ici 2030 (soja, pois, légumes secs, luzerne, légumineuses fourragères, etc. cultivées sur environ 1 million d’ha actuellement) avec un objectif de 40% dans les trois prochaines années. La moitié des 100 M€ consacrés au plan protéines iront à ce premier objectif. Par ailleurs, 20 M€ vont être consacrés à l’amélioration de l’autonomie alimentaire des élevages avec 10 M€ dédiés à l’achat de semences pour augmenter le potentiel des prairies et 10 autres M€ notamment pour le matériel et le stockage. Enfin, une troisième enveloppe de 30 M€ sera affectée à la recherche et au développement, aussi bien sur les semences que sur les nouvelles formes de protéines, à l’image de celles à base d’insectes. Au-delà de ce plan, le Gouvernement ambitionne aussi de réduire l’empreinte carbone de ces protéines, en particulier l’importation de tourteaux de soja du continent américain et créer les conditions qui permettent à l’agriculture française d’éviter d’importer de la déforestation. La Fédération française des producteurs d’oléagineux et protéagineux (FOP), association spécialisée de la FNSEA, réagissant à l’annonce gouvernementale, s’est dite « prête à relever le défi de la production pour accompagner la diversité des assolements, développer les filières et les productions locales avec des consommations locales ». Elle note cependant quelques points de vigilance comme la nécessité de préserver les moyens et les capacités de production, autrement dit, de continuer à accéder aux outils de protection des plantes. « Il ne faut pas non plus opposer alimentation animale et alimentation humaine », a indiqué, son Président Arnaud Rousseau, souhaitant aussi préserver les débouchés non alimentaires.

RAPPORT DAMAISIN : UN DEVOIR DE VIGILANCE POUR AIDER LES AGRICULTEURS EN DÉTRESSE
Missionné par le ministère de l’Agriculture pour réfléchir au mal-être et à la prévention du suicide en agriculture, le député Olivier Damaisin (Lot-et-Garonne) a remis, le 1er décembre, son rapport au Premier ministre. Les causes du passage à l’acte sont recensées, concentrant sur une seule personne de nombreux facteurs : l’isolement, l’absence de perspectives en vue de la transmission, la concurrence et l’instabilité sur les marchés induisant des baisses de revenus, la difficulté à anticiper les orientations, l’endettement, la complexité des démarches administratives, les mises aux normes et leurs investissements, les aléas climatiques, les crises sanitaires, les agressions dans les exploitations… Quand la pression devient trop forte et que le sentiment d’échec devient irréfragable et que le désespoir emporte tout, l’irréparable se commet. C’est environ un agriculteur qui se suicide par jour. Face à ces drames qui affectent profondément le monde paysan, le député du Lot-et-Garonne, propose sept recommandations détaillées en 29 actions. Parmi les principales, il faut retenir la mise en place d’un « référent départemental » qui pourra s’appuyer sur les plateformes d’écoute dédiées au mal-être et au risque suicidaire mais aussi sur un vaste réseau d’acteurs locaux comme les associations départementales Réagir, ou Agri’écoute, plateforme accessible par téléphone 24h/24 gérée par la MSA. Conscient que les difficultés financières constituent un facteur aggravant, le rapport insiste aussi sur la nécessité d’accompagner les agriculteurs en difficulté en suggérant notamment que les Safer puissent racheter des parcelles afin de soulager les agriculteurs du poids de l’endettement. Enfin, face à la situation d’épuisement professionnel, il demande que l’État donne les moyens à la MSA de poursuivre son acte d’aide au répit pour permettre aux agriculteurs de souffler et de prendre soin d’eux. Réagissant à ces propositions, la FNSEA a tenu à saluer le travail parlementaire proposé tout en appelant à un devoir de vigilance pour les agriculteurs en détresse. Pour le syndicat agricole, face au « fléau du suicide », « il est impératif que les politiques agricoles et communautaires permettent aussi une juste rémunération du travail fourni par les agricultrices et les agriculteurs. Il est aussi nécessaire que soit enfin mis l’accent sur les formidables progrès réalisés par l’agriculture au cours des décennies passées. De la considération, de la reconnaissance aideront aussi à combattre le fléau du suicide en agriculture ».

PRODUITS PHYTOSANITAIRES : LA FNSEA POUR DES « RÈGLES UNIQUES »
« Le marché européen est un marché unique qui implique d’avoir des règles uniques et harmonisées entre tous les États membres », a indiqué la FNSEA à la suite de l’annonce, saluée, du Gouvernement de porter au niveau européen les décisions en matière d’autorisation de produits phytopharmaceutiques et notamment du glyphosate. Le syndicat agricole invite parallèlement le Gouvernement à « mettre en cohérence ses paroles et ses actes sur le territoire national, en suspendant toutes les décisions en cours en France qui aggraveraient encore les distorsions de concurrence avec les autres producteurs européens » en matière de produits phytosanitaires. A ce titre, la FNSEA demande au Gouvernement de cesser « d’interdire des produits phytosanitaires de protection des plantes encore autorisés au niveau européen et de durcir toujours plus le cadre de leurs utilisations, en surtransposant les règles européennes ». La FNSEA alerte de la conséquence économique et territoriale de ces surtranspositions qui « conduisent concrètement, d’une part, à l’abandon de certaines cultures en France et à une perte de compétitivité de notre agriculture et, d’autre part, à une hausse constante des importations, notamment en fruits (+67% en 10 ans) et légumes (+54% en 10 ans) qui ne répondent pas aux standards de production qui sont imposés aux producteurs français. »

FERMETURE DES RESTAURANTS : LES COOPÉRATIVES AGRICOLES DEMANDENT D’ÉTENDRE LE CHÔMAGE PARTIEL
A la suite de l’annonce de la fermeture des restaurants jusqu’au 20 janvier au moins pour lutter contre l’épidémie de la Covid-19, la Coopération Agricole tire le signal d’alarme et appelle à un soutien total du gouvernement pour sauver les fournisseurs de la RHD (restauration hors domicile). Outre les fermetures administratives, les coopératives craignent que les difficultés économiques auxquelles font face tous les acteurs de ces marchés entraînent « une baisse conséquente de l’approvisionnement en produits français (qualitatifs mais plus coûteux) », ainsi que « la demande par les clients des coopératives, d’une importante baisse des tarifs ». Par ailleurs, pour les fournisseurs de la RHD, « il est impératif aujourd’hui d’aligner les listes et les critères d’éligibilité des secteurs protégés dans le cadre de l’activité partielle sur ceux désormais applicables aux exonérations sociales », à savoir 50% de perte de chiffre d’affaires (amendement du gouvernement adopté par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances), sollicite la Coopération agricole. Une attention est également demandée pour le secteur vitivinicole afin qu’il puisse continuer de bénéficier du dispositif spécifique d’exonérations sociales.

ACTUALITÉS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES

CHINE : +137% D’IMPORTATION DE BLÉ
De janvier à août 2020, les importations totales de la Chine ont augmenté sur un an de 137% pour le blé (4,99 Mt), de 50% pour le maïs (5,59 Mt) et de 15% pour le soja (64,74 Mt), ont récemment indiqué les douanes chinoises. C’est l’une des conséquences de la reconstitution du cheptel porcin qui avait souffert de la peste porcine africaine (PPA). Cette dernière a provoqué l’abattage de millions de porcs. Les autorités chinoises ont annoncé à la fin de 2019 avoir perdu 50% de leurs troupeaux de porcs reproducteurs, soit environ 500 millions de porcs selon des experts du marché. L’une des causes de cette hausse des importations tient également à la crise de la Covid-19 qui a fait resurgir la crainte d’une pénurie alimentaire comme celle qui avait frappé le pays entre 1959 et 1961, après la mise en place du « Grand Bond en avant » de Mao Zedong. Selon les sources, elle aurait fait entre 15 et 55 millions de morts et cette famine a beaucoup marqué les esprits. Pékin entend donc sécuriser ses approvisionnements. La France a profité de cet engouement en exportant plus de 1,5 Mt de tonnes de blé vers la Chine.

 

BAROMÈTRE HEBDOMADAIRE DES PRODUCTIONS AGRICOLES

Le baromètre hebdomadaire des productions agricoles et le fil rouge de l’actualité des productions pendant la crise du Covid-19. Cotations et dynamiques de marchés sur les principales productions agricoles nationales feront l’objet, à chaque fin de mois, d’une note mensuelle.

BETTERAVES : UNE CAMPAGNE CATASTROPHIQUE
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une baisse des surfaces de 34 000 ha entre 2019 et 2020 ; seulement 95 jours de campagne sucrière contre 118 l’année passée ; des rendements en baisse de 30% par rapport à la moyenne quinquennale passant à 65t/ha contre 85 en 2019 ; une récolte estimée à 27,4 Mt cette année, le plus faible volume enregistré en plus de trente ans; une perte de 280 M€ pour les seuls producteurs qui accusent des pertes de 700€/ha en moyenne avec des pointes pouvant aller jusqu’à 1500€/ha en fonction des zones de production ; un chiffre d’affaires en recul de 600 à 700 M€ pour l’ensemble de la filière. D’ailleurs la campagne est plus catastrophique que prévu en raison de l’apparition d’un quatrième virus de la jaunisse qui a atteint les racines en conservant le feuillage vert ! Effet de la globalisation, l’Inde a massivement subventionné ses exportateurs de sucre (à hauteur d’un milliard de dollars), la monnaie brésilienne, le réal, a chuté de 40% rendant le sucre brésilien plus compétitif sur les marchés internationaux. De plus, les producteurs de betteraves françaises craignent que le Brexit n’affecte leur secteur d’activité. Selon la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), association spécialisée de la FNSEA, qui marque ce constat catastrophique, l’année 2021 pourrait néanmoins redonner de l’espoir aux producteurs. Quelques feux sont au vert comme le secteur de l’éthanol. Malgré des cours en dents de scie, « c’est un marché qui reste en croissance ». Les perspectives sont intéressantes avec des hausses programmées du taux cible d’incorporation dans les carburants à 8,6% en 2021 et 9,2% en 2022. L’éclaircie devrait aussi venir, dans les prochains jours, du Conseil constitutionnel qui devrait valider la loi « relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ». Sous cette hypothèse de validation, la loi devrait être promulguée vers la mi-décembre et les textes d’application rédigés dans la foulée (décrets et arrêté) dans l’attente de validation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). « Le rapport qu’elle remettra d’ici la mi-décembre sera influent sur les arrêtés de dérogation ».

PORCS : INQUIÉTANTE CHUTE DES COURS
La conjoncture était attendue, la peste porcine africaine (PPA) qui sévit en Allemagne depuis de nombreuses semaines commence à peser sur le prix des porcs payés aux producteurs français. « Les prix à la production baissent partout dans le monde depuis quelques semaines, et en France, ils ne couvrent plus les coûts de production ; le pire est à craindre avec le creux hivernal de consommation », s’alarme la Fédération nationale porcine (FNP), association spécialisée de la FNSEA, dans un communiqué du 1er décembre. En effet, l’Allemagne, 1er producteur européen de porcs, ne peut plus exporter en Chine et transfert ses volumes sur l’Europe, faisant chuter les cours. Ceux-ci ont baissé de -15% en trois semaines en France (en €/kg en classe SE) selon l’Institut du porc (IFIP). Le prix de base de marché s’affiche à environ 1,20€/kg (semaine 48) pour un coût de revient du porc départ élevage à 1,54€/kg, à partir de l’indice Inaporc. De plus, la FNP signale que les « opérateurs aval français n’ont pas saisi toutes les opportunités de marché des zones déficitaires (…) les volumes exportés stagnent ».

POMMES : L’ALERTE DE LA FILIÈRE FRANÇAISE
Parce que la récolte a été de petite quantité mais de bonne qualité, le prix des pommes se tient très bien. « Mais cette situation positive pour les consommateurs de pommes fraîches limite fortement les écarts de tris destinés à la fabrication de compote », s’inquiètent les producteurs de pommes dans un communiqué du 1er décembre. Ils ont constaté une hausse des cours de 60% en Golden (dont la récolte a chuté de 30%) et de 50% pour les pommes bicolores. Conséquence de la conséquence, les producteurs et les industriels ont observé une baisse de l’offre de pommes à destination de la transformation, en particulier en compote, issue en grande partie de la Golden. Cette baisse de l’offre « pourrait dépasser 20% par rapport à la récolte précédente », s’inquiètent-ils. Arboriculteurs et industriels appellent « les distributeurs à prendre leurs responsabilités et à soutenir les pommes françaises en étendant les partenariats développés pour les pommes de table aux produits transformés à base de pommes (et à la compote en particulier) ». Si cette hausse des prix venait à perdurer, « elle mettrait en péril la filière et les producteurs français de pommes », avertissent-ils.

 

 

 

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