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Le Fil Agricole n°70

11 mars 2022

N°70 – Semaine du 07 mars 2022

EDITION SPECIALE GUERRE EN UKRAINE

La guerre en Ukraine est un événement soudain et d’une brutalité totale qui touche de plein fouet le peuple Ukrainien. Elle implique aussi de lourdes conséquences sur les équilibres géopolitiques mondiaux et particulièrement sur les volets agricoles et alimentaires.  La FNSEA vous propose, dès cette semaine, un décryptage pour mieux saisir la portée de ces enjeux liés à l’alimentation.

COMPRENDRE L’IMPORTANCE DE « L’ARME ALIMENTAIRE » DANS LE CONFLIT ACTUEL

La guerre en Ukraine est en passe de rebattre durablement les cartes géoagricoles et géoalimentaires du monde. Avec la perspective d’une population de 9 milliards d’habitants en 2050, et un changement climatique qui accentue les sécheresses, la Russie a bien compris que régner sur le gigantesque grenier agricole de la Mer Noire permet aussi de tenir une grande partie du monde « par la faim ». Sur le flanc ouest de la Russie, l’un des principaux pays de la Mer Noire est justement l’Ukraine, à laquelle s’ajoutent la Moldavie, la Roumanie et la Bulgarie. La Russie a déjà conquis à l’Ukraine la Crimée en 2014, avec ses ports géants de Sébastopol et Yalta. En termes de volumes, la Russie produit 125 millions de tonnes (Mt) de céréales dont 80 Mt de blé, le reste en orge et en maïs. Les exportations s’élèvent à 50 Mt en 2020. De son côté, l’Ukraine produit 70 Mt (blé, maïs) et fait jeu égal avec la Russie pour les exportations à 50 Mt. La Roumanie améliore chaque année sa production de céréales et oléagineux qui atteint environ 30 Mt. Enfin, la Bulgarie produit environ 10 Mt de céréales. Les deux derniers pays font partie de l’Union européenne qui produit 280 Mt, dont 60 Mt pour la France, derrière les États-Unis à 446 Mt (blé, maïs, soja). Au prix actuel des céréales, ce sont aussi des milliards de dollars qui sont en jeu en zone Mer Noire. Le président russe connaît sans doute la valeur stratégique de ces pays qui exportent dans le monde entier, Anatolie, Maghreb, Afrique, Chine, sans compter les marchés domestiques. En prendre le contrôle ou le placer sous influence comme au temps de l’Union soviétique serait un atout aussi considérable que l’armada militaire dans les équilibres mondiaux et les conflits locaux.

GUERRE EN UKRAINE : INSTABILITE TOTALE DES MARCHES AGRICOLES

La guerre en Ukraine perturbe fortement les échanges de produits de base et laissant entrevoir d’autres difficultés d’ici les moissons et le futur des stocks alimentaires mondiaux. Si d’une manière globale la France n’a pas à craindre pour ses approvisionnements en alimentation humaine et animale, d’autres pays européens pourraient bien connaître des difficultés. Notamment l’Italie et l’Espagne qui sont importateurs de maïs et dépendent des exportations de Russie et d’Ukraine. D’autant que leurs stocks sont au plus bas, et que ceux-ci sont de l’ordre de quelques semaines à un mois. A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite peut tenir environ 4 mois. Seul bémol pour les producteurs français : les menaces existent bel et bien sur les productions de volailles et de porcs qui dépendent fortement des tourteaux de tournesol pour leur alimentation En effet, si la France produit chaque année environ 700 000 tonnes, elle en importe environ un million de tonnes. L’Ukraine représente près de la moitié de ces importations et représente plus globalement 50 % des exportations mondiales d’huile de tournesol dont 77 % des volumes partent vers l’Inde, l’UE et la Chine. Cette guerre hypothèque aussi sérieusement l’approvisionnement en intrants, ce que soit en carburants fossiles ou en engrais ammoniaqués, azotés et potassés, dont la production est directement liée au secteur des énergies, en forte hausse. La Russie représente 40 % des exportations mondiales de nitrate d’ammonium, notamment vers le Brésil qui achète près des 60 % de ses volumes en Russie. Le pays représente également 17 % du marché global des engrais phosphatés et 20 % du marché mondial de la potasse. Le risque est de tomber dans une « spirale à la hausse » pour le prix des engrais, avec de possibles conséquences sur les semis de culture de printemps si ces engrais venaient à manquer. D’autant que la mise au ban de la Russie des systèmes financiers internationaux (Swift) lui interdit toute transaction. Mais Moscou pourrait s’appuyer sur le marché parallèle des crypto-monnaies pour poursuivre ses échanges, notamment avec la Chine.  En tout état de cause, cette guerre rebat l’ensemble des cartes économiques et logistiques. Elle oblige de nombreux pays à reconsidérer leurs stratégies agricoles et alimentaires, d’autant que pour certains le spectre de la pénurie avance à pas feutrés. Plus aucun bateau ne part des ports d’Ukraine et de Russie. Les compagnies d’assurance maritime ont augmenté leurs tarifs et le prix du transport maritime ne cesse de croître. Dans un tel contexte inédit, il est évident que la stratégie Farm-to-Fork, qui oriente le secteur agricole européen vers la décroissance de sa production, doit être profondément revu, comme l’a récemment plaidé la FNSEA, en vue de bâtir une ambition européenne de souveraineté alimentaire solidaire.

DU BIOGAZ POUR ETRE ENERGETIQUEMENT INDEPENDANT

La FNSEA, l’APCA et France Gaz Renouvelables accompagnés de quatre associations représentant les bioénergies ont appelé, le 9 mars, à « accélérer le développement du biogaz pour réduire la dépendance énergétique de la France ». Pour ces entités, « la filière biogaz participe à l’indépendance énergétique de la France, avec une capacité installée couvrant 3 % de la consommation de gaz soit l’équivalent de plus de 15 % des importations russes ». Quatre procédés sont utilisés : la méthanisation à partir de déchets organiques, la pyrogazéification à partir de déchets de bois et les combustibles solides de récupération ; La gazéification hydrothermale de biomasse humide et la méthanation d’hydrogène avec le carbone des méthanisations ou des industriels. « Il apparaît primordial de reconnaître l’intérêt des gaz renouvelables dans la stratégie française énergie & climat », insistent les sept organisations. Un rapport du Sénat en 2020 indiquait que le secteur agricole français assure déjà 20 % de la production d’énergies renouvelables avec 396 GWh, soit 3,5 % de la production nationale d’énergie.

ALIMENTATION : L’INDICE FAO EN HAUSSE DE +3,9 %

La guerre entre l’Ukraine et la Russie vient aggraver une situation déjà tendue sur le front de l’alimentation mondiale. « Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont atteint un niveau record en février (..) L’indice FAO des prix alimentaires a augmenté en février de 3,9 % par rapport au mois précédent, à 140,7 points contre 135,7 points en janvier », a indiqué l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (AFO) le 4 mars dans un communiqué. Ce sont principalement les huiles alimentaires (+ 8,5 %) et les produits laitiers (+6,4 %) qui tirent l’indice vers le haut. Les céréales dont la Russie et l’Ukraine sont des pays producteurs et exportateurs, gagnent +3 %. Quant au sucre (+1,9 %) et à la viande (+1,1 %), leur hausse reste modérée.

LES AGRICULTEURS UKRAINIENS REJOIGNENT LE COPA-COGECA

« Dans les prochains jours, l’organisation agricole ukrainienne UNAF (Ukrainian National Agrarian Forum) rejoindra la famille agricole européenne en devenant partenaire du Copa et de la Cogeca », ont annoncé les deux organisations agricoles européennes le 6 mars dans un communiqué de presse. Evoquant « le prolongement naturel de cette expression de solidarité qui a lieu sur le terrain par les agriculteurs et leurs coopératives », Ramon Armengol, président de la Confédération générale des coopératives agricoles (Cogeca) assure également que des agriculteurs, des pays voisins de l’Ukraine, commencent à accueillir des réfugiés dans leurs fermes. « Les premiers convois organisés par les agriculteurs sont en route ainsi que de la nourriture, des fournitures et des dons financiers », précise le communiqué. Le Copa-Cogeca publiera sur son site internet de plus amples informations pour les agriculteurs, coopérateurs et tout citoyen désireux de soutenir les actions entreprises par la communauté agricole de l’Union européenne.

 

Contact

Service affaires publiques FNSEAmail : guillaume.lidon@reseaufnsea.frtél : 01 53 83 48 92  

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